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Les objectifs pour le Sommet du G20 de la France en 2011

Par Nicolas Sarkozy, président, France
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Il est des moments de l’Histoire où le sort hésite entre le meilleur et le pire. Des moments où tous les efforts accomplis peuvent être perdus ou, au contraire, déboucher sur des progrès durables. Nous sommes aujourd’hui dans l’un de ces moments.

L’économie mondiale n’a pas encore retrouvé le chemin d’une croissance solide et durable, pourtant le G20 doit convaincre qu’il a la volonté de poursuivre les réformes nécessaires.

A la grande table où se prennent les décisions, de nouveaux acteurs ont rejoint les puissances reconnues. A juste titre, ils réclament la reconnaissance de leurs droits. Mais il leur faut aussi accepter qu’avec ces droits viennent des devoirs, des responsabilités à assumer. Il leur faut reconnaître que leur réussite éclatante leur impose de dépasser la stricte défense de leurs intérêts nationaux pour apporter leur contribution au règlement des problèmes du monde. Ce mouvement est engagé et je m’en réjouis.

Le 12 novembre, la France prendra la présidence du G20 pour un an, et le 1er janvier prochain, celle du G8.

Créé sur proposition de la France, le G20 représente 85% de la richesse de la planète. Il a permis aux principales puissances économiques de faire face avec succès à la crise la plus grave depuis celle des années 1930.

D’abord, en soutenant la croissance mondiale de façon coordonnée. Grâce à l’action du G20, le monde a renoué avec la croissance plus vite que prévu.

Mais pour sauver durablement l’économie mondiale, il fallait aussi adopter de nouvelles règles pour le système financier. Des réformes impensables naguère ont été décidées et sont mises en œuvre : les activités des fonds spéculatifs sont aujourd’hui régulées ; les agences de notation doivent être enregistrées ; le versement des bonus dans les banques est encadré par des règles strictes et des malus sont mis en place en cas de pertes ou de mauvaises performances. Enfin, les paradis fiscaux sont en voie de disparition : 500 conventions d’échange de renseignements en matière fiscale ont été signées depuis le G20 de Londres, le secret bancaire recule partout dans le monde et des sanctions ont été prises contre les paradis fiscaux qui n’adoptent pas les nouvelles règles internationales.

Il fallait par ailleurs engager un dialogue pour résorber, dans la durée, les déséquilibres dangereux de l’économie mondiale : excédents massifs ici, déficits insoutenables là. Ce dialogue a été lancé avec la mise en place du cadre pour une croissance forte, soutenable et équilibrée au sommet de Pittsburgh. En 2011, il faudra l’approfondir et l’enrichir ; consolider les mécanismes de coordination ; renforcer la surveillance multilatérale ; relever le niveau d’exigence pour les engagements pris, avec des mesures concrètes de politique économique à la clé et un calendrier pour les atteindre.

Au total, le G20 « des temps de crise » a accompli un travail considérable. A vrai dire sans précédent. Aujourd’hui, alors qu’un calme relatif est restauré, la tentation existe de borner les ambitions du G20 à l’application des décisions prises, complétée en 2011 par quelques mesures utiles : étendre la régulation dans les domaines où elle demeure insuffisante ; vérifier la mise en œuvre des conventions fiscales d’échanges de renseignement signées depuis le sommet de Londres ; adopter des mesures fortes pour lutter contre la corruption ; renforcer le mandat du Forum de la Stabilité Financière ; plus largement, revoir le cadre prudentiel des établissements bancaires pour éviter qu’une crise comme celle que nous avons connue ne se reproduise.

Achever le travail engagé est important, bien sûr ! Il y va de la crédibilité du G20. Mais est-ce suffisant ?

Je le dis tout net : s’en tenir à cet ordre du jour serait condamner le G20 à l’enlisement et le monde à de nouvelles crises.

Paradoxalement, il était plus facile d’être audacieux lorsque le monde était au bord du précipice et que l’on n’avait, en réalité, guère le choix. Aujourd’hui, nous avons le choix : achever les chantiers ouverts, traiter à mesure qu’ils se présenteront les développements imprévus, et borner là notre ambition ; ou bien y ajouter de nouveaux chantiers, ceux qui sont dans l’impasse depuis trop longtemps et dont dépendent aussi la stabilité et la prospérité du monde.

La France propose à ses partenaires le choix de l’ambition. Avec une conviction : seul le G20 dispose du poids spécifique, de la légitimité et de la capacité de décision nécessaires pour donner les impulsions indispensables à ces chantiers de demain.

Quels sont-ils ? La France va consulter ses partenaires à ce sujet. Pour sa part, elle en identifie trois.

Le premier chantier, c’est celui de la réforme du système monétaire international.

Qui contestera que l’instabilité des changes fait peser une lourde menace sur la croissance mondiale ? Comment les entreprises peuvent-elles planifier leur production et leurs exportations quand, par exemple, l’euro passe brutalement de 1 dollar pour 1 euro à 1,60 dollar pour 1 euro, avant de redescendre en quelques semaines à 1,27 ?

La prospérité de l’après-guerre devait beaucoup à Bretton Woods, à ses règles et à ses institutions.

Ce qui est aujourd’hui souhaitable, nécessaire même, c’est de mettre en place des instruments pour éviter l’excessive volatilité des monnaies, l’accumulation des déséquilibres, la recherche d’un niveau toujours plus élevé de réserves de change par les pays émergents qui ont été confrontés à des retraits brutaux et massifs des capitaux internationaux.

Et la France compte proposer à ses partenaires de l’aborder sans tabou mais aussi avec toutes les précautions nécessaires. Sur le fond, trois pistes pourraient être étudiées.

Premièrement, nous devons d’abord renforcer nos mécanismes de gestion de crise : depuis 1990, les pays émergents ont connu 42 épisodes de retraits brutaux des capitaux internationaux, mettant en péril leur stabilité et leur croissance. Nous devons repenser les mécanismes internationaux d’assurance pour disposer d’instruments multilatéraux plus efficaces et plus rapides pour prévenir et traiter ces crises.

Une réflexion est lancée sur les instruments dont dispose le FMI. La crise financière mais aussi la crise de l’euro ont montré que pour assurer la stabilité, le monde devait être capable de mobiliser rapidement des sommes très importantes pour faire face à la spéculation irrationnelle des marchés.

Nous avons vécu des années dans l’illusion que l’ouverture des marchés de capitaux constituait toujours un progrès. La réalité nous a montré que ce n’était pas le cas. Il est légitime que des pays très dépendants des capitaux extérieurs puissent prendre, en cas de crise, des mesures pour les réguler. La meilleure assurance contre la montée des risques protectionnistes, en cette matière comme en d’autres, est l’élaboration de règles multilatérales.

Deuxièmement, nous devons ensuite nous interroger sur l’adéquation d’un système monétaire international dominé par une seule monnaie à un monde devenu multipolaire. C’est un fait : à l’accumulation des réserves de change dans certains pays correspond le creusement du déficit de la balance des paiements courants des Etats-Unis.

A Londres, les pays du G20 ont décidé d’une allocation exceptionnelle de 250 milliards de Droits de Tirages Spéciaux. Offrir un actif de réserve international qui ne soit pas émis par un seul pays permettrait de renforcer la stabilité du système tout entier.

Enfin, nous devons trouver les moyens de mieux coordonner les politiques économiques et monétaires des grandes zones économiques. Avec le G20, nous avons mis en place à Pittsburgh le cadre qui doit permettre à chacun d’entre nous de mener les politiques économiques appropriées pour atteindre une croissance élevée et stable, tout en réduisant les déséquilibres internationaux.

Mais nous devons sans doute aller plus loin et définir un nouveau cadre de concertation sur les évolutions de change au-delà du G7 des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales.

Discuter de ces sujets sereinement au sein du forum le plus légitime et le plus efficace, le G20, est souhaitable. Nécessaire même.

Le deuxième chantier que nous devrions ouvrir est celui de la volatilité des prix des matières premières, dont témoigne en ce moment même la hausse brutale des cours du blé.

Qui ne se souvient des « émeutes de la faim » à Haïti ou en Afrique quand les prix de certains produits alimentaires avaient brusquement explosé en 2008 ? Qui a oublié les conséquences dramatiques pour l’économie mondiale de hausses brutales des prix du pétrole et du gaz, suivies de baisses tout aussi rapides ?

Tout d’abord, il conviendrait de s’interroger sur le fonctionnement même des marchés de dérivés des matières premières. Etendre la régulation aux matières premières est possible et souhaitable. Nous limiterons ainsi la spéculation.

Ensuite, pour les matières premières agricoles, plusieurs pistes pourraient être explorées sans a priori : la transparence des marchés ; les politiques de stockage ; mais aussi la création, par les institutions financières internationales, d’outils assurantiels pour permettre aux pays importateurs de se couvrir contre la volatilité des cours.

Enfin, les prix de l’énergie, inscrits à l’ordre du jour du G20 depuis le Sommet de Pittsburgh. La France a reçu mandat de proposer des mesures pour Séoul et pour le Sommet de 2011, afin de lutter contre la volatilité des prix. Nous proposerons des mesures de transparence et un dialogue approfondi entre producteurs et consommateurs pour limiter les fluctuations des cours.

Troisième chantier proposé pour la présidence française du G20 : la réforme de la gouvernance mondiale.

Le G20 a décidé qu’il serait le « principal forum » mondial pour les questions économiques et financières. Encore faut-il qu’il se donne les moyens de travailler plus efficacement. Ne faut-il pas créer un secrétariat du G20 pour suivre en permanence la mise en œuvre des décisions prises et instruire les dossiers, en liaison avec toutes les organisations internationales concernées ?

Ne faut-il pas également que le G20 ouvre son ordre du jour à des sujets nouveaux, tels que le développement ? Ne devrait-on pas, par exemple, y adopter des règles de bonne conduite et de bonnes pratiques pour l’aide publique ? Ne devrait-on pas y débattre des financements innovants, et notamment d’une possible taxe sur les transactions financières ? Ces financements sont indispensables si nous voulons être aux rendez-vous des objectifs du millénaire et du financement de l’accord de Copenhague sur le changement climatique.

Ne devrait-on pas, du reste, parler au sein du G20 du financement d’un accord sur le climat ? Cancun sera une étape importante, mais le moment décisif pour sceller un accord sera très probablement le sommet de novembre 2011 en Afrique du Sud. Le Sommet du G20 en France le précédera de peu.

La France suggérera aussi un débat plus large sur la gouvernance mondiale. Le G20 a donné une impulsion décisive à la réforme de la Banque Mondiale ; il devrait faire de même dès les prochains mois avec celle du FMI. Comment pourrait-il ignorer les institutions spécialisées des Nations Unies qui traitent de l’économie, de l’emploi, du commerce… Chacune a besoin d’une réforme. Toutes doivent apprendre à mieux travailler ensemble.

Comment, dans ce contexte, ne pas adresser un signal fort à l’Assemblée Générale des Nations Unies en faveur d’une réforme intérimaire du Conseil de Sécurité ? Sans cette impulsion décisive, cette réforme, débattue depuis 20 ans à l’ONU, resterait dans l’impasse longtemps encore.

Une question simple et décisive est posée à tous les Etats : ensemble, sommes-nous capables de bâtir pour tous les peuples, un monde plus sûr, plus prospère, plus juste ?

Texte adapté du discours prononcé devant la XVIIIème Conférence des Ambassadeurs le 25 août 2010 au Palais de l’Elysée, Paris.

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