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Le plan du gouvernement française pour le Sommet de Cannes

Intervention de Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du Président de la République française, Organisation international du travail, Genève, le 3 octobre 2011
[English]

From "The G20 Cannes Summit 2011: A New Way Forward," edited by John Kirton and Madeline Koch,
published by Newsdesk Media Group and the G20 Research Group, 2011
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Je me réjouis que cette rencontre entre la présidence en exercice du G20 et la communauté internationale à Genève devienne désormais un rendez-vous incontournable et je voudrais une fois de plus saluer le travail réalisé l’année dernière par la Corée, pour informer et associer l’ensemble des Nations Unies aux travaux du G20.

La France s’est engagée avec beaucoup d’intérêt dans le sillon ainsi tracé. Elle accorde en effet une grande importance à l’ouverture du G20 à l’ensemble de la communauté internationale. Le G20 ne peut pas, et ne doit pas, être un club fermé. Même si les pays membres du G20 représentent 85 pour cent du produit intérieur brut (PIB) mondial, l’ouverture aux autres est une condition de sa légitimité.

Comme vous le savez, le Président Nicolas Sarkozy a consacré le début de la présidence française aux consultations. Dès janvier de cette année, il a rencontré les chefs d’état de l’Union africaine à Addis-Abeba. Il a beaucoup consulté, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du G20, chefs d’état et de gouvernement, dirigeants des organisations internationales, mais aussi syndicats, entreprises et société civile. Il continuera à le faire jusqu’au Sommet de Cannes et à ce titre, recevra mercredi ensemble les secrétaires généraux de la Francophonie et du Commonwealth.

Nous avons voulu une année de présidence du G20 utile, avec des résultats et des avancées tout au long de l’année plutôt qu’une concentration de tous les enjeux sur un seul événement que représente le sommet annuel. Je veux d’ores et déjà remercier les organisations internationales et institutions spécialisées qui ont apporté leur concours très efficace à l’agenda de notre présidence.

Mais bien entendu, compte tenu de la situation économique mondiale, le Sommet de Cannes devra avant toute chose se concentrer sur la réponse à la crise, qui affecte non seulement la zone euro, non seulement les Etats-Unis, mais aussi les économies émergentes et par voie de conséquence l’ensemble des pays en développement.

Le G20 a montré, dès l’origine, en novembre 2008 à Washington, puis en avril 2009, à Londres, qu’il était efficace pour faire face à la crise. Le message à cette époque était clair : il fallait « réparer » le système financier, s’engager à renoncer au protectionnisme pour éviter la répétition des erreurs commises dans les années 1930 et coordonner les efforts de relance. J’ajoute la réforme des institutions financières internationales, qui a permis un rééquilibrage devenu indispensable en faveur des pays émergents.

Nous avions pu croire en 2010 que le G20 devrait à l’avenir se réinventer pour gérer l’après-crise, mais les récentes évolutions économiques enregistrées tant dans les pays développés que désormais dans les pays émergents nous ramènent vers la gestion de crise. Ce sera donc la priorité absolue du Sommet de Cannes.

Nous souhaitons qu’à Cannes, le G20 puisse adopter un véritable plan d’action pour la croissance mondiale. Il devra pour cela s’appuyer sur des mesures de politique économique concrètes prises par les principales puissances. Je pense bien sûr aux Etats-Unis, à la Chine, aux états de la zone euro, mais aussi au Japon, au Royaume-Uni ou au Brésil.

Je n’ai pas besoin non plus de souligner devant vous la difficulté de la tâche. Si les messages de Washington et de Londres pouvaient être de manière univoque la relance, celui de Cannes devra être plus différencié : certains états ont besoin de se concentrer sur les mesures de soutien à l’économie, d’autres sur la consolidation de leurs finances publiques, d’autres encore sur le rééquilibrage de leur modèle économique en faveur de la consommation intérieure.

Je sais que beaucoup estiment qu’il revient d’abord aux pays de la zone euro de régler leurs problèmes avant de demander aux autres de faire un effort. J’ai aujourd’hui deux messages.

Le premier est que la zone euro fera son travail ... Notre détermination est totale pour aider la Grèce et bien entendu pour assurer l’avenir de l’euro, de la zone euro, et donc de l’Union européenne.

Mon deuxième message, c’est qu’il est vain de chercher les responsables de la crise. Il faut se concentrer sur les solutions à apporter. Après la faillite de Lehman Brothers, nous ne nous sommes pas tenus au bord du chemin en attendant que les Etats-Unis s’occupent de leur système bancaire. Nous avons tous, tout de suite, voulu mettre en place une coopération plus forte entre les pays principalement impactés par la crise financière, car c’était la seule manière d’être à la hauteur de l’enjeu. Aujourd’hui, c’est la même chose : personne n’est à l’abri de la crise économique et personne ne peut spéculer sur l’échec des autres puisque l’interdépendance de nos économies assure mécaniquement une rapide transmission des déséquilibres. C’est pourquoi la France appelle tous les pays du G20 à prendre des mesures adaptées à la situation et tous les pays non membres du G20 à soutenir les efforts collectifs qui seront entrepris pour restaurer la confiance.

Pour autant, le Sommet de Cannes, même dominé par le thème de la croissance et de la restauration de la confiance, ne se limitera pas au seul plan d’action que nous voulons y adopter.

Nous voulons marquer des progrès sur les nouveaux sujets mis à l’agenda du G20 par la France à la fin de l’année 2010, comme la réforme du système monétaire international ou la lutte contre l’excessive volatilité des prix. Ils sont non seulement utiles pour une meilleure régulation de la mondialisation, mais ils sont dès maintenant des éléments complémentaires du plan d’action pour la croissance.

Qui ne voit qu’il est désormais indispensable de progresser vers un nouvel ordre monétaire international, reflétant les nouvelles réalités économiques et évitant les déséquilibres des marchés des changes qui avaient failli dégénérer en guerre des changes il y a un an seulement? Qui ne comprend que les désordres sur les marchés des matières premières, qui ont conduit à des fluctuations excessives des prix agricoles ou énergétiques, sont un frein à la croissance mondiale, mais plus grave encore, directement responsables de catastrophes humanitaires?

Permettez-moi de rentrer un peu plus dans le détail en ce qui concerne le système monétaire international, élément indispensable du cadre pour une croissance durable, forte et équilibrée:

Le G20 s’est accordé sur neuf axes précis de réforme, depuis le séminaire réussi de Nankin le 31 mars dernier, co-organisé par la Chine et la France. Je signale les quatre principaux:

Nous avons réussi, à la demande du Président Sarkozy, à ancrer la dimension sociale de la mondialisation dans l’agenda de travail du G20. Pas pour en faire un thème de plus. Mais pour souligner que la réponse à la crise ne sera efficace que si elle inclut une préoccupation renouvelée et partagée pour l’emploi, pour la protection sociale et pour les droits sociaux.

La semaine dernière, les ministres de l’emploi ont scellé un accord qui permettra au G20 de progresser dans ce domaine essentiel dans les prochaines années.

Nous avons obtenu le soutien de tous les membres du G20 au concept de « socles de protection sociale » et à l’initiative des Nations unies élaborée dans ce sens. Les conclusions de la Conférence internationale du travail qui s’est tenue ici à l’Organisation international du travail (OIT), en juin dernier, de même que les recommandations du groupe consultatif présidé par Michelle Bachelet, ont été totalement prises en compte. Bien entendu et j’insiste, les socles de protection sociale sont définis au niveau national et doivent prendre en compte les spécificités de chaque pays, mais leur utilité a été soulignée par tous.

Les organisations internationales jouent un rôle central dans la mise en oeuvre de l’agenda du G20, je l’ai déjà dit. C’est particulièrement vrai dans le champ social. Vous avez ainsi donné votre accord au G20 pour instaurer un mécanisme de coordination et de consultation et pour fournir des plateformes de partage des connaissances sur les bonnes pratiques en matière de protection sociale, qui devront être opérationnels d’ici le sommet du G20 au Mexique en juin 2012. Le Président Sarkozy souhaiterait par ailleurs la création au plus vite de postes d’observateurs croisés entre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’OIT pour renforcer encore la cohérence du travail de vos organisations.

La France souhaiterait aussi que les huit normes fondamentales de l’OIT soient partout ratifiées, respectées et qu’il en soit rendu compte. Je sais l’âpreté des débats sur cette question et combien il sera difficile de progresser, mais la France est déterminée à poursuivre ce combat, qu’elle ne lâchera pas.

Enfin et surtout, la réunion ministérielle a placé l’emploi en priorité. C’est une préoccupation que nous partageons tous. Grâce au travail acharné de Gilles de Robien, et à sa capacité de conviction, nous avons réussi, non sans mal, à pérenniser non seulement la tenue annuelle d’une réunion ministérielle emploi des pays du G20, mais aussi l’existence d’un groupe de travail dédié, permettant d’associer les organisations syndicales aux réflexions des gouvernements en faveur de l’emploi, objectif clé de politique économique et facteur de croissance. J’ajoute que pour la première fois cette année, la présidence du G20 a facilité l’organisation d’un « Labour 20 » en parallèle à celle du « Business 20 ». La France espère que le Mexique et les présidences qui le suivront renouvelleront chaque année l’expérience.

Enfin, pourquoi ne pas le dire, la France a aussi joué un rôle moteur pour assurer la présence désormais acquise du directeur général de l’OIT aux Sommets du G20.

Permettez-moi maintenant d’en venir aux thèmes de Cannes qui ne sont pas nouveaux sous présidence française, mais pour lesquels nous avons beaucoup travaillé pour enregistrer des avancées concrètes.

En matière de régulation financière, la stratégie du G20 est fondée sur un principe simple depuis Washington: tous les acteurs, tous les marchés et tous les produits doivent être soumis à des règles et à une surveillance appropriée. La régulation de la mondialisation passe aussi, et peut-être surtout, par les règles applicables au secteur financier.

Sous la présidence française, le G20 a travaillé à la mise en œuvre des engagements pris lors des derniers sommets, en particulier à Pittsburgh, et sur de nouveaux objectifs.

D’ores et déjà, le G20 a adopté des mesures renforcées pour les grandes banques systémiques. Nous travaillons maintenant sur l’élargissement de la régulation aux entités et aux activités non-bancaires, comme la supervision du système bancaire parallèle, encore appelé shadow-banking, la protection des utilisateurs de services financiers, et la régulation des dérivés de matières premières.

Nous avons aussi réalisé de nouveaux progrès dans la lutte contre les pays et territoires non coopératifs, et notamment les paradis fiscaux et ce sera un sujet important à Cannes. Nous travaillons à une évaluation approfondie des progrès accomplis par une soixantaine de pays en matière de respect des règles pour les échanges d’informations, de lutte contre le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme.

A Cannes, nous espérons que le G20 signera la convention multilatérale sur l’assistance administrative en matière fiscale. La quasi-totalité des pays du G20 se sont engagés à la signer, et il nous reste toutefois à décider quelques partenaires.

S’agissant de l’agenda pour le développement, nous mettons en œuvre le mandat de Séoul.

Sous notre présidence, et en étroite association avec la Corée et l’Afrique du sud, qui ont co-présidé le groupe de travail avec la France durant toute cette année, nous avons bien avancé sur les neuf piliers qui constituent le plan d’action de Séoul.

De plus, pour la première fois, le G20 a tenu une réunion ministérielle sur le développement, le 23 septembre dernier à Washington. Notre présidence organisera 15 jours avant le sommet, le 21 octobre à Paris, une grande Conférence de mobilisation en faveur du développement, qui sera ouverte par le président de la République, afin que la société civile joigne ses efforts à ceux des gouvernements.

Avec l’accord de tous nos partenaires du G20, nous nous sommes surtout concentrés cette année sur trois thèmes particulièrement cruciaux pour nous : la sécurité alimentaire, les infrastructures et le financement du développement, avec un intérêt marqué pour les financements innovants.

En matière de sécurité alimentaire, nous avons déjà obtenu des résultats, même si bien entendu, la priorité de la communauté internationale s’est portée ces derniers mois sur la situation humanitaire catastrophique de la Corne de l’Afrique qui mobilise un certain nombre d’organisations genevoises.

Les ministres de l’agriculture du G20 ont adopté en juin dernier un plan d’action, dont je voudrais souligner deux mesures déjà mises en place. Tout d’abord, un système d’information sur les données physiques agricoles hébergé par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), appelé AMIS, qui renforcera la transparence des marchés et permettra ainsi de mieux les stabiliser,

Ensuite, un Forum de réaction rapide, toujours à la FAO, qui associe les pays jouant un rôle significatif sur les marchés agricoles mondiaux et qui est destiné à améliorer la coordination internationale d’urgence. L’idée est qu’un pays producteur signale dans cette enceinte tout problème d’offre qui pourrait avoir un impact sur les consommateurs, tandis que les grands consommateurs signaleraient mieux leurs besoins.

La France est très engagée également pour le G20 soutienne en plus des initiatives destinées à protéger les pays les plus vulnérables des conséquences de la volatilité excessive des prix des matières premières agricoles. Je pense en particulier au projet pilote, placé sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de réserves alimentaires humanitaires d’urgence pré-positionnées. La réussite de ce projet permettra d’élargir ensuite cette initiative à d’autres régions.

La présidence française veut aussi encourager les pays du G20 à s’engager à ne pas imposer de restrictions aux exportations dont a besoin le Programme alimentaire mondial en cas d’urgence humanitaire.

Enfin, vous le savez bien, la France estime que la principale politique à conduire pour améliorer durablement la sécurité alimentaire mondiale, est de renforcer l’investissement dans l’agriculture et ce, dans chacune des grandes régions du monde. Nous devrons augmenter la production mondiale de 70 pour cent d’ici 2050 si nous voulons assurer nos responsabilités pour nourrir la population mondiale. C’est dans toutes les régions du monde que nous devrons encourager la production, mais bien entendu, il nous faut consacrer notre priorité à l’Afrique.

Deuxième sujet prioritaire de notre agenda pour le développement: les infrastructures. L’absence d’infrastructures est l’un des principaux obstacles au développement dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique. Le G20 a chargé le Panel de haut niveau pour les infrastructures, dont nous avons confié la présidence à M. Tidjane Thiam, de préparer des recommandations concrètes et innovantes pour encourager et renforcer l’investissement dans les infrastructures dans les pays en développement.

Nous espérons identifier à Cannes des projets phares d’infrastructures qui privilégieraient autant que possible l’échelle régionale et qui auraient un impact maximal sur le développement économique. Nous oeuvrerons pour que les efforts du G20 en matière d’infrastructures restent, là encore, concentrés sur les pays à faible revenu, en particulier d’Afrique.

S’agissant du financement du développement, le Président Sarkozy a demandé à Bill Gates de présenter des propositions à Cannes aux chefs d’état et de gouvernement, pour renouveler les engagements et innover en faveur de nouveaux modes de financement.

Nous avons souhaité que le rapport de Bill Gates évoque les objectifs communs en matière d’aide publique au développement, auxquels la France est très attachée, et pour lesquels elle a maintenu son effort budgétaire, malgré la situation actuelle des finances publiques (0,50 pour cent du PIB en 2010). Mais le rapport comprendra aussi un « menu d’options » concernant des mécanismes de financements innovants. Nous proposerons à chaque pays du G20 de se déterminer sur ce menu et de mettre en œuvre au moins l’une de ces options.

La France considère, je ne vous surprendrai pas, que la taxe sur les transactions financières (TTF) est le mécanisme le plus efficace. Cette taxe est techniquement faisable. Avec nos partenaires allemands, nous avons proposé des modalités concrètes. La Commission européenne présentera un projet dans les prochains jours. Avec le soutien de la société civile et de l’opinion mondiale, qui demandent aux gouvernements de faire mouvement sur cette question, nous souhaitons convaincre non seulement de la faisabilité d’une telle taxe mais aussi de sa nécessité pour faire face aux grands défis du développement, comme la réalisations des Objectifs du millénaire pour le développement ou la lutte contre le réchauffement climatique. Plusieurs pays non membres de l’Union européenne ont fait part de leur intérêt, notamment de nombreux partenaires africains tels que le Mali, le Bénin, le Burkina Faso, le Congo, la Guinée, la Mauritanie, le Sénégal et le Togo, et je voudrais lancer un appel à la mobilisation de vos pays et de vos organisations en faveur de cette idée. Nous avons l’intention de créer un mouvement pour passer des belles paroles aux actes.

Puisque nous sommes à Genève, mais surtout parce que le commerce apporte une contribution absolument majeure à la croissance mondiale, je ne voudrais pas finir cette présentation sans évoquer les questions commerciales.

La huitième conférence ministérielle de l’OMC aura lieu ici à Genève, du 15 au 17 décembre. Et ici à Genève, vous savez bien que la poursuite des négociations dans le cadre du mandat de Doha est très difficile. Pour cette raison, la présidence française souhaite que le G20 lance une dynamique de réflexion sur le renforcement de l’OMC. Notre objectif est de montrer l’attachement de tous nos pays au multilatéralisme commercial. L’OMC est le meilleur rempart contre la loi de la jungle et sa capacité à régler les différends doit non seulement être préservée mais encore renforcée.

... La France souhaite qu’un message de confiance dans l’OMC et de lutte contre le protectionnisme soit adressé à Cannes. Nous voudrions aussi bien sûr que des mesures en faveur des pays les moins avancés puissent être prises le plus vite possible car c’est tout de même le cœur du mandat des négociations commerciales en cours. Je me permets d’insister sur le plan d’action en faveur de la croissance. Notre approche ne veut laisser personnes sur le bord de la route.

L’agenda du Sommet de Cannes est lourd et nous sommes face à une crise d’une ampleur considérable, qui implique des décisions concrètes, des décisions fortes et un message très clair sur la croissance.

Beaucoup progressé cette année sur des enjeux de long terme et nous sommes confiants dans l’engagement du Mexique de poursuivre ce travail en 2012.

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